Euphoria : entre insouciance et inconscience

Quand HBO propose une série pour ado, c'est aussi aux adultes sériephiles qu'elle entend s'adresser. C'est un bijou, un diamant brut qui se dessine sous nos yeux - ébahis.

Origine : USA, HBO disponible en France sur OCS (ou Canal+ séries)

Nombre de saison / épisodes : 1 saisons / 8 épisodes + 2 spéciaux

Date : 2019 - en cours

Auteur : Sam Levinson

Acteurs : Zendaya, Hunter Schafer, Jacob Elordi, Eric Dane

Alors Euphoria, ça parle de quoi ?

Rue, 17 ans, toxicomane. Bonjour Rue. Tout bascule un après-midi d'été quand elle fait une overdose, passe 3 jours dans le coma et va en cure de désintox. Juste avant la rentrée scolaire, elle rentre chez elle mais - spoiler alert - elle rechute... 5 jours plus tard.

C'est aussi l'histoire de Jules, même âge, jeune femme transgenre. Nouvelle dans son lycée, elle se fait une place dans ce petit monde. Entre soirées adolescentes et rencontres sur des applis, le quotidien des personnages est mis en image d'une manière aussi brute qu'étudiée.

Plus globalement, la série raconte la jeunesse de la classe moyenne supérieure américaine, qui navigue entre perte de sens et substances. Comment la génération "Millenials" vit ses "plus belles années", alors qu'elle est née dans une Amérique meurtrie, amputée de ses jumelles ? Détail qui a son importance, Rue est née le 14 septembre 2001.

Comme d'autres teen-séries, Euphoria met en exergue une génération aux pratiques extrêmes (du moins du point de vue d'adultes). Extrêmes dans leurs expériences, tant sexuelles que narcotiques. Extrêmes dans leurs rapports aux autres, avec la séparation en classes entre les élèves populaires et les autres, la séparation entre les garçons et les filles. Attendez-vous à voir plus d'images pornographiques, plus de prises de drogues, et plus de glorification aussi de ces deux éléments que dans d'autres séries. HBO peut se le permettre en tant que chaine payante, non soumise aux restrictions de la censure audiovisuelle américaine.

Alors, pourquoi j'ai adoré ?

On le sait, HBO a pour ambition d'élever les séries au rang d'oeuvre d'art. C'est d'ailleurs ce qui ressort de son slogan "it's not TV, it's HBO" (*). Les séries sont donc, au delà d'un objet télévisuel et à la manière d'un film, un medium à part entière. Euphoria en est une preuve. L'ambiance rappelle, par son esthétisme et son rythme, le film Virgin Suicides (Sofia Coppola, 1999). Les adolescents au coeur du récit sont intrigants, complexes. Ils le sont pour leurs parents (volontairement hors cadre en général). Ils le sont aussi pour le spectateur. Euphoria n'a pas pour prétention de faire une leçon de morale sur les comportements présentés. Rue, en tant que narratrice, pose les faits et histoires de ses amis, sans en rajouter.

La caméra, elle aussi, participe à la narration en jouant avec les niveaux de plans. Je ne peux que vous conseiller de prêter attention aux flous et aux mouvements de la caméra autour des acteurs. Cette danse se révèle poétique et entrainante, peu importe la violence de l'image.

De même, j'ai adoré l'ambiance dans les tons roses, violets, bleus. Ces couleurs déforment la réalité, comme l'addiction de Rue déforme sa perception du monde.

Enfin, comment ne pas évoquer ce qui est pour moi, une des plus grandes réussites visuelles : les maquillages. La collaboration avec des makeup artistes est un atout majeur de la série, qu'il convenait de saluer.

Mention spéciale pour la justesse du jeu de Zendaya (Rue) et de Hunter Schafer (Jules). Leur talent se révèle ici, encore plus lors de la performance de Zendaya dans la scène finale de l'épisode 8.

P.S. Euphoria est aussi un projet global de la chaine avec du contenu en plus sur la série, des explications, du soutien pour personnes en détresse psychologique, une série de photos réalisée par un des acteurs (Jacob Elordi) que vous trouverez ici.

(*) : je citais plus haut l'essai Le concept HBO, paru aux Presses Universitaires François Rabelais de Benjamin Campion.

Sources images : Pinterest | crédits images : HBO