Les Shtisel - une famille attachante à Jérusalem
- Des séries et des livres
- 13 mai 2021
- 4 min de lecture
Retour sur cette série israélienne qui aborde différemment la communauté juive ultra-orthodoxe.
Origine : Israël, Netflix
Nombre de saison / épisodes : 3 saisons / 24 épisodes
Date : 2013
Auteurs : Ori Elon, Yehonatan Indursky
Acteurs : Michael Aloni, Doval'e Glickman, Neta Riskin

Alors Shtisel, ça parle de quoi ?
Le récit de cette série est centré sur un père, Shulem, et son fils Akiva, juifs ultra-orthodoxes résidents du quartier Geula à Jérusalem.
Comme les autres hommes juifs ultra-orthodoxes, leur vie est rythmée par l'étude des textes sacrés et la transmission de leur savoir aux plus jeunes garçons du quartier.
Une relation père fils comme on en montre rarement, ponctuée de disputes, d'échanges et de réconciliations.
Pourtant leurs vies pourraient bien changer quand Akiva rencontre Elisheva.
Alors, j'en ai pensé quoi ?
Cette série c'est un peu mon petit moment de calme le soir en rentrant. Elle est pleine de joie de vivre et de plaisirs simples.

Au départ je ne savais pas quoi en penser.
Elle m'a intriguée par ses airs de série familiale américaine, type Les Feux de l'Amour, et pourtant Shtisel en est bien loin. Oubliez le côté surjoué, mal joué et futile des Feux de l'Amour, Shtisel est tout le contraire.
Certes le rythme est plutôt lent, mais les scènes en sont d'autant plus justes. On suit les petites scènes de la vie quotidienne de cette famille qui parait si différente. Le récit est ponctué de silences qui font place aux gênes, aux doutes et à la pudeur.
Différente par sa culture, c'est évident ; clichée, jamais. Elle permet d'appréhender une partie de la culture juive orthodoxe et ses enjeux contemporains. Elle s'attarde, il faut le souligner, sur une fraction de la communauté ultra-orthodoxe qui est très nuancée dans ses pratiques. Celle présentée ici vit dans son quartier, de manière assez autonome et hermétique, ce n'est pas le cas de tous les courants du judaïsme ultra-orthodoxe.
Justement la force de la série est de réussir à ne pas tomber dans le caricatural. Elle reste réaliste pour montrer un monde qui intrigue, fait l'objet de nombreux fantasmes et souvent mal représenté.
Shtisel prend le contrepied des facilités scénaristiques pour aborder les choses simples de la vie quotidienne, les questionnements face aux tentations de la modernité, les poids des traditions. L'oeuvre ne tombe pas non plus dans le prosélytisme, les rites et pratiques ne sont pas expliqués, ils sont simplement représentés.
Akiva est un jeune homme en âge de se marier, encore faut-il trouver une femme qui l'intéresse et réciproquement ! Encore une fois, la série vient nous surprendre en représentant les rapports hommes - femmes au sein de cette communauté religieuse que l'on dit souvent archaïque. Ils sont dépeints comme vous et moi, emprunts de passions, de rêves et de doutes. Les rendez-vous entre potentiels futurs fiancés vous feront probablement comme moi sourire. Finalement, une rencontre organisée par un rabbin marieur n'est pas très différent des premiers échanges timides après une rencontre en ligne !

Alors que sa vie d'études rabbiniques semble toute tracée, Akiva est un rêveur, un artiste qui voit le monde avec son crayon et son carnet. Etre un artiste, en a-t-il seulement le droit ? Est-ce seulement possible d'imaginer faire carrière quand sa culture incite seulement les femmes à travailler, laissant les hommes étudier toute leur vie ? Et comment en parler à son père, le très respecté Rabbin Shulem Shtisel qui a dédié sa vie à l'étude la Thorah jusqu'à s'endormir chaque soir dessus ? Akiva a le regard souvent perdu dans ses pensées, soulignant le bon jeu d'acteur de Michael Aloni.
La série est portée par des très bons acteurs qui incarnent des personnages assez différents dans leurs rapports au monde. Ils ont tous leur particularité et au fil des épisodes, les réalisateurs nous permettent de comprendre leurs sentiments, leurs réactions.

J'ai aussi beaucoup aimé cette série parce qu'on est loin de l'austérité habituellement décrite de la communauté ultra-orthodoxe. Les auteurs en sont issus ce qui explique le regard différent posé sur les habitudes de vie. Après la brillante série Unorthodox (sur Netflix également), Shtisel met aussi en valeur les femmes. Qu'elles soient encore adolescentes ou déjà mères de familles, elles ont toutes quelque chose à raconter sur le monde qui les entoure. Ce sont elles qui guident la famille, loin de l'image de soumission habituellement dépeinte.
Et comment ne pas aborder les plus âgés qui vivent dans une maison de retraite ? Ils ne parlent plus que le yiddish tout en regardant des sitcoms israéliennes qui montrent une vie qu'ils n'ont pas connue et qui choque leurs enfants. La série parvient à montrer comment les frontières entre les communautés sont beaucoup plus poreuses qu'il n'y parait.
Contrairement à d'autres séries que j'ai pu vous recommander précédemment, celle-ci est peut-être moins travaillée, plus brute, plus modeste. A l'instar des personnages, elle n'en fait pas des tonnes, elle reste simple ce qui en fait un petit bijou à consommer sur la durée !
Pour aller plus loin, je vous invite à écouter ou lire l'article proposé par France culture à son sujet en cliquant sur ce lien.
Bon visionnage !
Sarah.
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