(Re)confinés: quoi lire en ce mois de novembre?
- Des séries et des livres
- 8 nov. 2020
- 4 min de lecture
Yes, (re)confinés. Je ne pourrais pas vous dire si c'est le karma ou un curieux hasard de circonstances.
Toujours est-il que les jours se font longs. Ils semblent s'éterniser alors que les feuilles mortes s'empilent et virevoltent sur les trottoirs. Pétales dorés, rougeoyants, ocre, elles créent un spectacle à elles-mêmes sous le ciel limpide.
Plus sérieusement, quoi lire pour s'occuper l'esprit et égayer les ciels gris qui s'annoncent? Sans oublier les soirées vin chaud ou gin tonic en perspective... Je ne sais pas vous mais ça me manque les cocktails du premier confinement.
1. Rebecca de Daphné du Maurier, 1938
Issue de l'aristocratie anglaise, Daphné du Maurier (1907-1989) publie Rebecca en 1938. Rebecca peut être interprétée comme une réécriture de Jane Eyre de Charlotte Brontë sans que l'autrice le revendique explicitement.
La narratrice de Rebecca est une jeune Anglaise qui accompagne une dame à sa vie mondaine. On sait peu sur elle: elle est orpheline, inexpérimentée, de condition modeste.
Les premiers chapitres se déroulent à Monte Carlo où elle rencontre M. de Winter. Maxim de Winter est un aristocrate important en Angleterre, maître du domaine de Manderley. Il a perdu sa femme Rebecca un an plus tôt.
La narratrice vit des jours insouciants avec Maxim pendant son séjour à Monte Carlo. A sa grande surprise, il lui demande sa main que l'héroïne accepte. Elle devient ainsi la nouvelle Mrs de Winter et ils rentrent à Manderley après une lune de miel à Venise. Mais un spectre hante Manderley et devient l'objet d'obsession de l'héroïne: le spectre de la défunte Rebecca...

Ce roman mêle plusieurs genres: le gothique, le thriller psychologique et le roman d'apprentissage. Le suspense nous tient littéralement en haleine.
Il est très intéressant car il suscite de multiples interrogations. Du Maurier peint avec vraisemblance et vivacité le portrait de l'énigmatique héroïne. Elle représente des scènes d'une violence surprenante et des personnages marqués par la désillusion.
On a presqu'envie de relire Rebecca tant l'oeuvre est mystérieuse. Certains passages sont très ambigus et mériteraient une relecture. L'ambiguïté du roman, ses zones d'ombres, la dimension implicite de certaines images et figures de style suscitent l'intérêt du lecteur et montrent le génie de Daphné du Maurier.

Si ma chronique ne vous convainc pas à lire Rebecca, vous aurez un avant-goût avec la récente adaptation cinématographique de Ben Wheatley de 2020. Vous avez peut-être déjà vu la bande-annonce sur Netflix. Y figurent Lily James, Armie Hammer, Kristin Scott Thomas et Ann Dowd (qui interprète Aunt Lydia dans The Handmaid's Tale).
Les décors, les costumes, et le jeu de caméra participent à la qualité esthétique du film. Le contraste de la lumière, tantôt ambre tantôt terne, aident à construire la narration de l'héroïne. Il est également agréable de retrouver des passage écrits dans le scénario.
Source des images:
https://www.furet.com/livres/rebecca-daphne-du-maurier 9781844080380.html https://en.wikipedia.org/wiki/Rebecca_(2020_film)#/media/File:Rebecca_poster.jpeg
2. Le Horla de Guy de Maupassant, 1867
La deuxième lecture que je vous propose est Le Horla de Maupassant (1850-1893). Rassurez-vous, il ne fait qu'une quarantaine de pages. Pour ceux qui seraint intimidés par les classiques, Le Horla est plutôt facile d'accès.

Il s'agit d'une courte nouvelle faisant partie du recueil Le Horla et autres récits fantastiques. Le récit de journal intime rédigé par un narrateur. Visiblement, il est fortuné, appartient à l'aristocratie de Rouen et possède un vaste domaine. Il est célibataire, ne travaille pas, et vit entouré d'une cohorte de domestiques.
C'est alors qu'il est pris d'un mal-être soudain qui suscite chez lui des symptômes anxieux, dépressifs et paranoïaques. Le narrateur se sent poursuivi et surveillé, à l'aguet d'un danger imminent. Souffre-t-il d'un phénomène de dissociation? Souffre-t-il de schizophrénie? Ou peut-être est-ce la prise de conscience de son mal-être qui le rend fou? Mais qu'est-ce que la folie sinon un mal-être et une certaine inadaptation au monde?
Le style est simple mais efficace. La nouvelle se lit très vite, rythmée par les dates où le narrateur rapporte son état. On ne peut qu'admirer l'esprit d'analyse, la lucidité et la quête d'objectivité du narrateur. A ce titre, on a interprété Le Horla comme une célébration de l'esprit d'analyse. D'ailleurs la prise de conscience de son mal-être suscite l'empathie du lecteur car il essaye de rester maître de lui-même en dépit de ce mal qui le ronge et qui l'obsède. Il fait preuve de stoïcisme malgré lui-même, malgré une perte de contrôle de ses sens.
A vous de découvrir cette lecture intriguante...
Source de l'image : https://images2.medimops.eu/product/701c08/M02253005398-source.jpg
3. Ethiopiques de Léopold Sédar Senghor, 1956
Un recueil de poésie avant de terminer. Vous connaissez peut-être le grand auteur qu'est Léopold Sédar Senghor (1906-2001). D'origine sénégalaise, il fut écrivain, premier africain à être ministre français et le premier président sénégalais. Il est également considéré comme un poète de la Négritude, courant littéraire défini par Aimé Césaire comme: « la simple reconnaissance du fait d'être noir, et l'acceptation de ce fait, de notre destin de noir, de notre histoire et de notre culture. »

Ethiopiques est un recueil de poésie caractérisé par la notion de rythme et la fusion de plusieurs esthétiques : la tradition classiciste, le romantisme, le lyrisme et l'oralité sénégalaise.
C'est un texte d'une grande beauté et d'une dimension synesthésique, c'est-à-dire qu'il fait appel aux sens (l'ouïe, la vue, l'odorat, le toucher). Ethiopiques réfléchit sur la poésie, sur ce qui a vocation à être dans la littérature. A ce titre, la femme, figure complexe et paradoxale, est une allégorie de la poésie.
Le génie de Senghor vient de sa capacité à créer des images, à les superposer pour créer un champs visuel qui juxtapose des associations surprenantes. La musicalité est également une qualité de Senghor, qui joue avec les sonorités et le rythme des mots.
« Il fallait échapper au doute
A l'ivresse du lait de sa bouche, au tamtam lancinant de la nuit de mon sang
A mes entrailles de laves ferventes, aux mines d'uranium de mon coeur dans les abîmes de ma Négritude »
Chaka
Source de la citation: http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/aime-cesaire/negritude.asp
Source de l'image : https://www.edition-originale.com/fr/litterature/editions-originales/senghor-ethiopiques-1956-31691
Bonne lecture et bon (re)confinement.
Maria.
Rebecca, un de mes romans préférés qui m’a marquée vers 15–16 ans, le dernier film, visible sur Netflix est également à regarder avec délectation